Valoriser le potentiel des déplacements à pied dans les cœurs de municipalités

Pourquoi et comment favoriser les déplacements à pied dans les cœurs de municipalité

Potentiel et avantages de la marche

Le mythe selon lequel se déplacer à pied est uniquement possible dans les grandes villes perdure, mais il est erroné. De nombreuses personnes vivent à proximité des services au cœur des municipalités et n’ont que de courtes distances à parcourir pour accéder à leurs commerces locaux. Au Québec, une personne sur cinq habite à moins de 3 km de son lieu de travail. Malgré cela, la moitié des déplacements de moins de 1 km se font en voiture. Dans des villes telles que Sept-Îles, Matane et Sainte-Anne-des-Monts, la moitié des personnes résidentes vivent à moins de 3 km de leur lieu de travail, sans compter que leurs autres déplacements quotidiens, comme ceux vers les commerces locaux ou l’école, sont souvent d’une distance de moins de 1 km de la maison. La distance typique pour les déplacements à pied est d’environ 1,6 km. Il s’agit plus d’une question d’habitude, et les trajets courts en voiture pourraient facilement être convertis en marches. Le potentiel de conversion vers les modes de transport actifs est significatif à l’échelle du Québec. Malgré la fausse croyance selon laquelle la marche et le vélo sont réservés aux grandes villes, ces modes de déplacement sont tout à fait possibles dans les cœurs de villages québécois! Des outils tels que l’application CommuteTimeMap permet de visualiser les distances praticables à pied à partir d’un point donné. Par exemple, tel qu'illustré ci-dessous, une marche de 15 minutes à Saint-Agathe-des-Monts permet de parcourir environ 1 km depuis le point de départ. Bien que les infrastructures urbaines ne soient pas toujours adaptées à la marche en raison de diverses contraintes, le potentiel de la marche reste important et les obstacles peuvent être surmontés pour optimiser l’utilisation de nos espaces urbains. De plus, la marche est le maillon essentiel de tous les déplacements, ce qui améliore l’intermodalité.

Source : Geoapify, « CommuteTimeMap », 2024

En investissant dans des infrastructures piétonnes sûres et attrayantes, en promouvant une culture de la marche et en sensibilisant à ses nombreux bienfaits, les municipalités peuvent tirer profit pleinement de ce potentiel et exploiter ce mode de déplacement durable pour améliorer la santé et le bien-être de la population tout en préservant l’environnement urbain.

Ainsi, le potentiel de la marche pour les déplacements courts est bien présent et miser sur celui-ci présente de nombreux avantages.

Identification des obstacles à la marche dans les cœurs de municipalité

Même si les distances sont atteignables à pied, cela ne veut pas dire que les conditions des aménagements favorisent les déplacements à pied. Les besoins des personnes piétonnes sont souvent relégués au second plan, puisque les espaces sont largement dominés par les voitures, et les infrastructures, inadéquates. Pourtant, les centres-villes et le cœur de villages ont un potentiel inexploité pour favoriser la marche, stimuler la vitalité urbaine et renforcer les liens communautaires. En investissant dans des aménagements piétonniers adaptés et en valorisant les commerces locaux, les municipalités peuvent encourager un mode de vie actif et créer des environnements urbains plus dynamiques et inclusifs. De plus, face à la concurrence des gros centres commerciaux, il est essentiel de préserver la vitalité des cœurs villageois et des rues commerciales locales en exploitant pleinement le potentiel piéton pour soutenir l’économie locale et maintenir un lien fort avec la communauté.

Obstacles à la marche

Manque d'aménagements piétonniers adéquats

• Les trottoirs inadéquats, abîmés, trop étroits, présents uniquement d’un côté de la rue, ou interrompus.
• Les traversées piétonnes mal définies, trop larges à traverser génèrent de l’insécurité.
• Le manque ou l’insuffisance de passages piétons sécurisés augmente également les risques pour les personnes piétonnes. 
• L’absence d’éclairage public adapté aux personnes piétonnes diminue le sentiment de sécurité de celles-ci.

Cheminement piéton coupé par des barrières physiques entre les quartiers (exemple : chemins de fer, routes)

• Routes à forte circulation et vitesse des automobilistes élevée.
  • Pollution visuelle, sonore et environnementale accrue.
• Absence de passages piétons ou passages piétons trop longs sans saillies de trottoirs pour permettre une traversée sécuritaire pour toutes et tous.
• Feux piétons trop rapides et non adaptés aux personnes aînées.
• Présence de pentes abruptes ou d’obstacles physiques difficiles à franchir.
• Accessibilité réduite pour les personnes à mobilité réduite.

Environnement urbain peu attrayant

• Manque d’espaces verts ou de parcs accessibles.
  • La forte présence de surfaces minéralisées accroît les zones de chaleur principalement en été.
• Présence de zones industrielles ou commerciales peu accueillantes.
• Manque d’aménagements urbains : absence de bancs, de fontaines d’eau potable ou de zones de repos.

Facteurs météorologiques et géographiques  

• Conditions climatiques défavorables (pluie, neige, froid extrême).
  • Entretien hivernal mal effectué ou tardif qui devient une barrière de déplacement pour les personnes piétonnes.
• Manque d’abris ou d’infrastructures pour se protéger des intempéries.
• Distance importante entre les lieux de résidence et les commerces ou services.

Miser sur le potentiel piéton : pistes de solutions

Il est impératif de reconnaître l’importance de la prise en compte des personnes piétonnes dans la conception urbaine et de repenser nos espaces publics pour répondre à leurs besoins. Pour cela, nous devons passer d’une approche centrée sur la voiture à une approche qui nécessite des changements significatifs dans la façon dont nous concevons nos rues et nos quartiers. Aménager des trottoirs larges et bien entretenus, avec des revêtements adaptés, réduit le risque de chutes et offre un espace confortable aux personnes piétonnes. Installer des passages piétons bien signalés et des feux de circulation adaptés aux personnes piétonnes améliore la sécurité lors des traversées de route. Aussi, l’installation de dispositifs de ralentissement tels que des dos d’âne ou des zones de réduction de vitesse contribue à apaiser la circulation, créant ainsi un environnement plus sûr et convivial pour les piétonnes et les piétons. L’élargissement des trottoirs est crucial pour offrir aux personnes piétonnes un espace confortable et sécuritaire pour se déplacer. Des trottoirs élargis permettent non seulement de mieux accueillir les piétonnes et les piétons, mais également de créer des zones propices à la socialisation et à la détente, en intégrant par exemple des bancs végétalisés où les gens peuvent s’asseoir et se reposer, comme illustré sur l'illustration ci-dessous.

Source :  Piétons Québec, Aménager des rues conviviales et sécuritaires pour les personnes aînées, 2021

En investissant dans des infrastructures durables comme des trottoirs élargis et des traverses piétonnes sécurisées, les collectivités créent des environnements urbains sûrs et accueillants. Ces aménagements améliorent la qualité de vie de la population en favorisant la santé et en réduisant la dépendance à la voiture. De plus, ils renforcent l’attrait des zones urbaines en créant des espaces conviviaux propices à la socialisation et à la détente. Finalement, ces investissements à long terme sont cruciaux pour façonner des communautés dynamiques où la marche est encouragée.

Exemples d'aménagements

Rue partagée

• Une rue partagée est un espace urbain où piétonnes et piétons, cyclistes et véhicules coexistent. L’accent est mis sur une circulation juste, de même que sur une vitesse réduite et des aménagements favorisant le partage équitable de l’espace. Tous les exemples d’aménagements ci-dessous peuvent contribuer à créer une rue partagée accueillante et sécuritaire pour toutes les usagères et tous les usagers.

Élargissement des trottoirs 

• Création de trottoirs élargis pour offrir plus d’espace aux personnes piétonnes et favoriser une circulation fluide. Pour plus d’informations, voir la fiche Adapter les corridors piétons aux besoins des aînés (Piétons Québec).
  • Sur une rue commerçante, la zone de circulation piétonne est recommandée à une largeur minimale de 2,4 m, avec une marge de recul des bâtiments d’au moins 0,3 m pour éviter les obstacles en saillie et les ouvertures de porte. Au-delà de cette largeur de 2,4 m, un corridor détectable doit être aménagé pour guider les personnes ayant une déficience visuelle. Les obstacles et le mobilier urbain doivent être placés en dehors de cette zone recommandée pour assurer un trottoir libre de tout obstacle.
  • Dans un secteur résidentiel : largeur d’au moins 1,8 m, 1,5 m acceptable dans les quartiers de faible densité.
•  Il est conseillé d’éviter les entrées charretières, car elles peuvent créer des déséquilibres pour les personnes piétonnes.

Traverses piétonnes sécurisées

• Aménagement de passages piétonniers sécurisés avec des dispositifs de signalisation, des feux de circulation et des îlots de refuge pour favoriser la sécurité des personnes piétonnes lors de la traversée des routes. Pour obtenir des informations supplémentaires, voir les fiches Apaiser la circulation et sécuriser les intersections dans nos milieux de vie et Sécurisons la traversée des artères (Piétons Québec).
  • Ajout de saillies de trottoirs, soit un îlot pour séparer les personnes piétonnes des voitures ou des vélos et rendre la traversée plus sécuritaire dans le cœur de municipalités.

Zones piétonnes 

• Création de zones piétonnes dédiées où les voitures ne sont pas autorisées, ce qui favorise ainsi une marche agréable et sécurisée pour les personnes piétonnes.

Pistes cyclables 

• Aménagement de voies réservées aux cyclistes pour encourager l’utilisation du vélo comme moyen de transport alternatif et diminuer les conflits potentiels en raison de l’usage des trottoirs par les cyclistes en l’absence d’aménagement cyclable.

Verdissement  

• Création d’espaces verts et de parcs dans les zones urbaines pour offrir des lieux de détente et de loisirs pour les résidentes et les résidents.
• Intégration de plantations, de fleurs et d’autres éléments de paysage pour embellir les espaces urbains et créer un environnement agréable et sécuritaire pour les piétonnes et les piétons. Ces plantations peuvent aussi servir de barrière entre les personnes piétonnes et les automobilistes.

Mobilier urbain et éclairage public

• L’aménagement de banquettes peut inclure des bancs, des poubelles, des arbres et de la verdure, tout en maintenant une surface plane pour le corridor de circulation des piétonnes et des piétons le long du trottoir. La banquette peut accueillir la pente des entrées charretières afin de maintenir un corridor piéton plan.
• Installation d’un éclairage adéquat le long des trottoirs et des passages piétonniers pour assurer la sécurité des personnes piétonnes, surtout la nuit, été comme hiver.
• Pour plus d'informations, consulter la fiche Marcher en toute saison : aménager pour l'hiver (Piétons Québec).

Stationnement

• Il est préférable d’éviter les stationnements en façade qui peuvent dissuader la marche. Idéalement, les commerces devraient être proches de la rue et les stationnements devraient être situés à l’arrière. Si des stationnements en façade sont déjà présents, il est important de garantir un passage sécurisé entre la rue et les commerces grâce à des cheminements piétons.

Source : Piétons Québec, Trottoir (1,8 m) avec banquette végétalisée (0,5 m) à Gatineau, 2023

Aménagements transitoires

Les installations temporaires dans les centres municipaux visant à promouvoir la marche représentent une solution flexible et économique pour expérimenter de nouvelles configurations urbaines. Leur déploiement rapide permet d’ajuster rapidement les espaces publics en fonction de l’évolution des besoins de la communauté. Ces initiatives stimulent la marche, favorisent les échanges sociaux et contribuent à créer des environnements urbains plus accueillants et inclusifs. Les interventions transitoires en matière d’aménagement urbain offrent une approche innovante pour revitaliser les espaces publics malgré les contraintes existantes. Ce processus offre une méthode intéressante pour une action rapide, ce qui permet une flexibilité et l’identification les aménagements permanents les mieux adaptés à chaque contexte. Pour plus de détails, nous vous invitions à consulter la fiche outil de Piétons Québec, Intervenir pour sécuriser les artères, développée en 2024.

Source :  Piétons Québec, Aménagement temporaire sur la rue Saint-Charles à Longueuil, 2021.

Sensibilisation et promotion de la marche comme mode de déplacement

Une autre solution pour promouvoir la marche dans les cœurs de municipalité est la sensibilisation et la promotion de la marche comme mode de déplacement, ce qui offre de nombreux avantages pour la santé, l’environnement et la société dans son ensemble. Nous voyons apparaître de plus en plus de stratégies efficaces pour encourager la marche telle que celle expliquée dans l’encadré ci-dessous.

Conclusion

En priorisant le développement du potentiel de promenade vers les centres municipaux, nous avons l’occasion de stimuler l’activité physique, de favoriser la santé publique et de dynamiser les zones urbaines. En investissant dans des infrastructures appropriées sous le principe de l’accessibilité universelle, en proposant des activités attractives mettant en avant les bénéfices de la marche et en créant un environnement convivial, nous pouvons renforcer la cohésion sociale entre les citoyennes et les citoyens, revitaliser nos communautés et stimuler le développement économique local. Cette approche permet également de réduire la dépendance à la voiture, ce qui favorise ainsi une mobilité plus durable et respectueuse de l’environnement, tout en offrant à la population un cadre de vie plus agréable et sécuritaire. Finalement, en valorisant cette démarche, nous créons des villes plus vivantes, résilientes et durables pour les générations actuelles et à venir.

Nous sommes toutes et tous piétonnes et piétons à un moment donné, chacune et chacun d’entre nous est amené à se déplacer à pied, que ce soit pour prendre le bus ou pour faire des courses à l’épicerie du coin.

Bibliographie

• Baillargeon, Stéphane. (2021). « Une piétonnisation positive ». Le Devoir.
• Barth, Jérôme. (2024).  « Colloque Rues principales : Dans les coulisses de la réussite ».
• Belleville. (2024). « Placemaking ».
• Geoapify. « CommuteTimeMap ». (2024).
• Conseil régional et de l’environnement de Montréal. (2024). « Démarche stationnement écoresponsable ».
• Empson, Jaison. (2019). « Wayfinding signs could help downtown Winnipeg become more vibrant, experts say ». CBC News.
• Rues principales. (2023). « Rues commerciales traditionnelles sécuritaires pour tous ».
• Piétons Québec. (2021). « Apaiser la circulation et sécuriser les intersections dans nos milieux de vie ».
• Piétons Québec. (2020). « Les aménagements piétons en contexte de crise sanitaire : Portrait d’initiatives réalisées au Québec à l’été 2020 ».
• Piétons Québec. (2021). « Piétons un jour, piétons toujours : Aménager des rues conviviales et sécuritaires pour les personnes âgées ».
• Piétons Québec. (2024). « Sécuriser l'ensemble du cheminement des élèves ».
• Piétons Québec. (2024). « Sécurisons la traversée des artères ».
• Piétons Québec. (2024). « Sentiment de sécurité et interaction piétons, véhicules avant et après le réaménagement d’intersections avec artères ».
• Statistiques Canada. (2016). « Tableaux de données de recensement, Recensement de 2016 ».
• Transport for London. (2014). « Walking and cycling: the economic benefits ».
• Wen, C. P., Wai, J. P. M., Tsai, M. K., & Chen, C. H. (2014). « Minimal Amount of Exercise to Prolong Life: To Walk, to Run, or Just Mix It Up? ». Journal of the American College of Cardiology, 64(5), 482‑484.